Plusieurs versions se sont opposées, mais rien qui puisse justifier la barbarie. Et quand c'est le cas, le bon sens commande le recul...dans un pays où on vous loge systématiquement dans une cage, dès que vous osez vous exprimer. On ne risque pas la différence au Cameroun, pays du triomphe de la pensée unique. La vue de ce jeune homme étendu par terre, ses moignons ensanglantés en exhibition - quelques secondes de supplice pour ma part - était insoutenable. Certains avaient donc dit que c'était un voleur, qui allait au travail (voler une moto ou braquer un citoyen dans son véhicule) et d'autres alléguèrent, qu'ils se serait retrouvé, sans avoir été autorisé et la fleur fusil, dans un véhicule, qu'il aurait confondu avec une voiture affectée au transport public, provoquant la panique du propriétaire, qui aurait pensé à une tentative de braquage et aurait crié: « Oh voleur !! »
« Oh voleur ! », dans un pays où les citoyens ne connaissent pas l’État, méprisent ses lois et célèbrent une justice surannée, barbare, qui consiste à prendre des machettes pour dépecer le suspect et des bidons de pétrole, des pneus usés pour le brûler vif, mais qui crient à l'injustice, s'indignent, éructent même, quand un miroir leur renvoie l’image de ce qu'ils sont intrinsèquement, de ce qu'ils refusent de voir, des visages hideux de monstres, sans foi, ni loi. Chaque fois en effet, que vous entendrez « Oh voleur!! » au Cameroun, c'est qu'un homme, suspecté de vol ou de « brook inta » serait déjà à l'agonie, payant le prix de son crime présumé et ses bourreaux ne seraient que ses propres compatriotes, des shérifs d'une période lointaine, qui exécutent le rituel macabre du lynchage et de la mise à mort du suspect, en dehors des procédures qu’impose l'État de droit.
On ne sait pas si le pauvre garçon amoché (mon Dieu, que ces photos sont violentes!) a de la chance d'être toujours en vie ou pas, mais d'autres avant lui et très probablement après, ne connaîtront pas le même destin que lui, par la bonne grâce de ceux qui s'indignent hypocritement aujourd'hui, de le voir dans ce sale état. Ils ont en effet toujours été expéditifs avec des cas comme le sien, gourdins, torture et bidons de pétrole en renfort. C'est ça... Si la sécurité des citoyens, de quelque pays que ce soit, relève de la mission régalienne d'un État, l'absence de ce dernier ou pas, le citoyen a aussi des devoirs et si tout se vend de nos jours, les rayons de nos supermarchés ne proposent toujours pas l'humanité, ni le bon sens.
La surenchère émotionnelle, le populisme, ne peuvent pas être rangés aux rayons des valeurs et ne sont que l'apanage de tristes cuistres aigris et frustrés de ces sociétés qui se perdent. Le voyeurisme, l'excitation que procure le buzz que l'on crée, ne doivent pas prendre la place du bon sens. Informer, c'est un métier, et non tremplin pour atteindre des objectifs. Un pays, l'image qu'il renvoie, ce sont d'abord ses citoyens, que personne ne s’y méprenne.
Ceux qui ont infligé ce traitement dégradant, inhumain, à Ibrahim Belo, ont porté atteinte à la dignité humaine, d'une part...
Et d'autre part, le droit d'informer, le droit de dire, le droit de protester contre les injustices par exemple, ne peuvent pas se passer du respect de la même dignité humaine. Les bourreaux présumés de Belo Ibrahim et tous ceux qui ont frénétiquement diffusé ses images dégradantes sur les foras, auront donc participé au processus de sa mise à mort. On pouvait en effet exiger des soins, la prise en charge (et les obtenir) de ce pauvre garçon, sans tout cet étalage malsain de ses blessures sur la place publique. Quelle peuple indigne !
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